Mots clés : Bionum, Brèves
Etiquettes: Agneau, Liquide Amniotique, Placenta, Sciences de la vie, Utérus artificiel
Depuis des dizaines d’années, le projet de développer un utérus artificiel sort du monde de la science-fiction pour s’installer sur les paillasses des chercheurs. Certains affirment même qu’il pourrait bientôt devenir une réalité, mais qu’en est-il vraiment ?
L’utérus artificiel a pour but de prolonger le développement d’enfants prématurés hors du ventre de leur mère. Ce dispositif est envisagé notamment pour traiter des cas d’extrême prématurité où les enfants naissent avant 26 semaines de grossesse, c’est à dire au bout de 7 mois. Les enfants prématurés représentent environ 7% des naissances, soit entre 50 000 et 60 000 enfants par an en France. Ils sont particulièrement fragiles car leurs poumons et leur cerveau ne sont pas matures. Ces enfants ne sont donc pas capables de respirer seuls, mais l’utilisation de la respiration artificielle, inévitable, peut engendrer de graves dommages neurologiques comme pulmonaires.
Pour éviter le recours à la respiration artificielle, les chercheurs entreprennent de placer un fœtus prématuré dans une unité utérine pour prolonger son développement. Avant la mise en place d’un tel dispositif, il faut d’abord comprendre le développement du fœtus dans l’utérus. Pour ce faire, des études ont été réalisées chez l’agneau qui a une taille suffisante pour permettre des manipulations ainsi qu’un développement pulmonaire très proche de celui de l’humain. Après une observation minutieuse du développement du cerveau et des poumons de ces fœtus, il a fallu créer une poche remplie de liquide amniotique connectée à des tuyaux pour apporter les éléments nutritifs et éliminer les déchets. L’utérus artificiel est placé à 37°C pour reproduire la chaleur maternelle. Il nécessite une pompe à oxygène et à azote reliée au cordon ombilical afin d’assurer les apports en gaz sans solliciter les poumons de l’agneau.
L’utilisation des utérus artificiels s’approche-t-elle de la réalité ? Même si cette technologie est prometteuse, des problèmes de taille ne sont toujours pas résolus. La formule du liquide amniotique artificiel utilisée actuellement ne comprend pas les éléments complexes présents dans sa version naturelle. Ces éléments sont pourtant indispensables au bon développement du fœtus. De plus, le maintien des échanges gazeux entre l’organisme et l’utérus reste délicat, la moindre perturbation pouvant engendrer de graves répercussions telles que des paralysies, des difficultés respiratoires ou même la mort. Par ailleurs, la mise en place du fœtus dans le système doit se faire en moins de deux minutes pour éviter les dommages dû au manque d’oxygène sur le cerveau, constituant une prouesse technique supplémentaire.
L’utérus artificiel est une stratégie novatrice qui pourrait permettre de prolonger le développement d’enfants prématurés ex-utéro tout en offrant la possibilité d’administrer précocement des traitements en cas de malformations congénitales du cœur, des poumons ou du diaphragme. Bien que son utilisation quotidienne dans nos hôpitaux soit encore lointaine, l’utérus artificiel reste un défi majeur de la médecine moderne.
Pour aller plus loin :
Bird, Stephen D. « Artificial Placenta: Analysis of Recent Progress ». European Journal of Obstetrics, Gynecology, and Reproductive Biology, vol. 208, janvier 2017, p. 61‑70. PubMed, https://doi.org/10.1016/j.ejogrb.2016.11.005.
McGovern, Patrick E., et al. « Neurologic Outcomes of the Premature Lamb in an Extrauterine Environment for Neonatal Development ». Journal of Pediatric Surgery, vol. 55, nᵒ 10, octobre 2020, p. 2115‑23. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1016/j.jpedsurg.2019.12.026.
Partridge, Emily A., et al. « An extra-uterine system to physiologically support the extreme premature lamb ». Nature Communications, vol. 8, avril 2017, p. 15112. PubMed Central, https://doi.org/10.1038/ncomms15112.
« Prématurité ⋅ Inserm, La science pour la santé ». Inserm, https://www.inserm.fr/dossier/prematurite/.
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