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Mots clés : Bionum

Avoir des poumons en 2021, c’est has been. La nouvelle tendance aujourd’hui c’est l’humain à branchies ! Cela fait bien longtemps que nous avons troqué la vie aquatique pour la terre ferme mais les futures conditions environnementales nous imposeront potentiellement un changement de milieu de vie. Prenez une inspiration et plongez au cœur du sujet !

Pouvons-nous espérer un jour respirer sous l’eau à l ‘instar des sirènes ?

On reçoit aujourd’hui le professeur Jean Phibien, spécialiste des branchies, afin de nous éclairer sur l’éventualité d’un futur marin pour les humains.

JEAN PHIBIEN
On se retrouve aujourd’hui en compagnie du professeur Jean Phibien, éminent biologiste ayant dirigé de nombreuses études telles que “Peut-on se nourrir exclusivement de chips?”ou encore “À quoi peut-on réellement reconnaître les reptiliens?”.
Dans cette interview, le professeur nous fera part de ses recherches en plein coeur de son laboratoire où nous avons eu l’honneur d’être reçus.

Qu’est ce que les branchies ?

“Cette structure buissonnante située au niveau du pharynx est constituée de filaments organisés en réseau de capillaires sanguins. L’étendue de la surface des branchies favorise les échanges gazeux (dioxygène et dioxyde de carbone) tandis qu’au niveau des capillaires, c’est leur finesse qui favorise les échanges.

Chaque branchie, constituée de deux lames, est soutenue par un arc branchial (= élément squelettique, formé d’os et/ou de cartilage).

Pour faire simple : branchie = arc branchial + lames branchiales.”

Qui possède des branchies ?

“On va se pencher sur le cas des Vertébrés possédant des branchies. Dans la conscience collective, on a tendance à visualiser uniquement des poissons de type sardines ou saumons à la mention du mot branchie. Bien sûr, ces dernières ne sont pas exclusivement possédées par les Vertébrés. Certaines familles d’espèces en possèdent comme les Arthropodes (crabes, cloportes…) ou les Mollusques (huîtres, moules…). C’est pourquoi je vais me concentrer sur ce qu’on appelle vulgairement les poissons !”

Comment ça marche ?

“Ces organes permettent la respiration aquatique en extrayant l’oxygène de l’eau puis en expulsant du dioxyde de carbone. Il faut savoir que les branchies possèdent une organisation anatomique particulière, extrêmement plissée. En effet ce repliement de l’appareil branchial augmente considérablement l’étendue de la surface d’échanges, pour un volume relativement peu important.

L’eau abondante en dioxygène (O2) pénètre dans la bouche ouverte du poisson avant pour ensuite circuler à travers les branchies. Ces dernières ont un rôle de pompe. En effet, elles absorbent le dioxygène (O2) présent dans l’eau. Le sang présent dans les capillaires sanguins s’écoule dans la direction opposée à celle de l’eau ce qui permet un échange à contre-courant. L’eau désormais appauvrie en dioxygène (O2) est ensuite expulsée dans le milieu extérieur par des ouvertures de part et d’autres de la tête du poisson. Ces fentes sont cachées chez les poissons osseux par un opercule également osseux s’ouvrant par le biais d’une fente appelée ouïe. Tandis que chez la plupart des poissons cartilagineux, les fentes branchiales sont visibles.”

Quelles différences avec les poumons ?

“ On va maintenant comparer le système respiratoire branchial en milieu aquatique, avec le nôtre en milieu aérien par les poumons. Pour commencer, les poumons et les branchies servent à la même chose, c’est-à-dire extraire l’O2  pour l’utiliser à des fins physiologiques avant d’expulser le CO.

Mais du fait que la concentration en O2 soit plus faible dans l’eau que dans l’air, le rapport surface/capillaires des branchies est plus important afin de d’optimiser l’absorption de dioxygène. C’est pourquoi les branchies ne fonctionnent pas tout à fait pareil que les poumons (la pression et la viscosité entrent en jeu aussi dans ces différences physiologiques).

Il serait donc difficile de faire respirer un humain (ou autre mammifère à poumons) du fait de sa pompe à oxygène ne fonctionnant pas dans des conditions aquatiques.”

Si on envisageait maintenant la respiration aquatique possible par des humains en utilisant des structures physiologiques artificielles ?”

Existe-t-il des branchies artificielles ?

“De nombreuses branchies « artificielles » ont émergé au cours de ces 20 dernières années et cela n’est pas un hasard. Respirer sous l’eau est une faculté qui continue de faire rêver certains. Cette faculté pourrait nous donner de nombreux avantages dans des domaines divers et variés car l’accès aux mondes aquatiques optimiserait les recherches sur la faune, la flore et un tas d’autres connaissances tout en respectant l’environnement.

Plusieurs appareils comme Amphibio ou encore Triton, respectivement conçus par le concepteur de structures de biomimétisme Jun Kamei et le designer coréen Jeabyun Yeo, promettent tous deux d’extraire le dioxygène de l’eau.

Le problème est que nous, les humains, sommes thermorégulateurs et devons faire face à une grande demande en O2, à l’opposé des poissons dont l’organisme en est moins gourmand. Pourtant, aucun des deux inventeurs ne semble avoir précisé ces contraintes ainsi que la faible teneur en O2 dans l’eau de mer par rapport à l’air. De plus cette teneur en O2 diminue avec la profondeur ainsi qu’avec l’augmentation de la température de l’eau. 

Prenons l’exemple d’un plongeur équipé d’un recycleur. Celui-ci a besoin de 1,5 L d’O2 par minute en mouvement soit au moins 192 litres d’eau de mer filtré/minute, sans parler des variations de concentrations de dioxygène avec la température et la profondeur. 

Notre plongeur va faire face au problème de la toxicité de l’O2 qui entraîne un ensemble de symptômes, appelé  l’hyperoxie. Celle-ci est un apport trop élevé d’O2 lié à la pression partielle de dioxygène (pO2). Cette pression partielle est un paramètre de mesure du déplacement de l’O2 au niveau des alvéoles pulmonaires. Elle est essentielle pour notre corps qui est incapable de gérer le pourcentage d’O2 inspiré. La limite tolérable de toxicité est entre 2 à 2,2 bar de pO2

Pour mieux vous aider à comprendre, on peut dire qu’avec des bouteilles de plongée classiques, l’O2 devient mortel dès 100m de profondeur. Mais notre plongeur n’a pas encore à s’inquiéter de la toxicité du dioxygène, puisque l’effet narcotique de l’azote l’oblige à s’arrêter aux alentours de 40 m de profondeur.

Les inventeurs nous expliquent que leurs appareils sont capables d’extraire l’O2 présent dans l’eau et de le transmettre au plongeur sous forme de gaz. Donc si notre plongeur utilisait Triton ou Amphibio, il n’inspirerait que de l’O2. Or l’air que nous respirons est un cocktail gazeux majoritairement composé de diazote (80%) et de dioxygène (20%).

Avec de l’O2 pur, les limites maximales de toxicité seraient de 10 à 12 m de profondeur.   En effet, des lésions sur le cerveau et les poumons peuvent survenir à partir de ces distances, causant un réel danger. Cependant la limite de sécurité fixée par les organisations de plongeurs est de 1,4 bar par pO2 ce qui correspond à 4 mètres de profondeur.  Cette alternative n’est donc pas intéressante pour les mordus de plongée ! Même si Triton et sa forte ressemblance avec le respirateur aquatique de James Bond peut nous faire rêver, cet appareil semble bien trop petit pour être capable de filtrer 192 L/min. 

De plus, aucune information n’est donnée quant au fonctionnement de leurs appareils : pas de précisions sur la capacité de la batterie lithium de Triton, ou encore sur ses filtres à dioxygène. Pour Amphibio, rien n’est révélé sur la composition interne, il est seulement dit qu’elles sont conçues avec « un matériau hydrophobe spécial et poreux qui permet la respiration sous-marine ». Jun Kamei semble n’avoir réfléchi qu’à l’esthétique du gadget sans attacher d’importance à sa fonction première. Mais il est encore un peu tôt pour désespérer, même si la conception de branchies artificielles semble extrêmement difficile, il existe une autre voie de recherche qui mérite le détour.”

Des branchies biologiques ?

“En abordant ce sujet avec un regard moins physicien mais plus biologiste, pourquoi ne pourrions-nous pas posséder des branchies naturelles me direz-vous? Chaque organisme est régi par des gènes d’organisation, dits homéotiques. Par exemple, les gènes Hox ont un impact sur le développement de l’appareil branchial (composé de quatre arcs branchiaux). En omettant les obstacles physico-chimiques que nous pourrions rencontrer, imaginons que l’on exprime  ces gènes de manière différente (en s’appuyant sur ceux des poissons) peut-être aurons-nous un jour la faculté de développer des branchies !”

L’avenir des branchies ?

“Nous avons vu que les projets de branchies artificielles proposés à ce jour ne sont pas réalisables du fait des différentes conditions physico-chimiques et biologiques à respecter. Concernant l’étude des branchies biologiques, des progrès sont encore à faire avant d’imaginer avoir de véritables branchies et de nager comme le feraient une sirène ou n’importe quel poisson, même si nous ne savons pas de quoi l’avenir est fait. En revanche, vous pouvez toujours enfiler un masque, des palmes et une bouteille tant qu’il en est encore temps et plonger dans cet univers aquatique si mystérieux…”

Bibliographie

Articles scientifiques:

Articles non scientifiques :

Cours Universitaires :

Vidéos explicatives :

  •  “Respirer sous l’eau et survivre : la ventilation liquidienne” 3 mn pour comprendre  – YouTube, 27 Septembre 2019  

Articles/Vidéos pour approfondir:

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