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Etiquettes: Animaux venimeux, Bilateria, Bilatériens, biologie, Venin
Vous devez tous connaître les animaux venimeux les plus courants (des serpents, des araignées, des scorpions et quelque insectes comme la guêpe ou le frelon). Mais saviez-vous qu’il existe un primate dont la morsure contient du venin pouvant provoquer une violente réaction allergique et même la mort ? Et oui, le Loris paresseux est dangereux malgré son apparence de peluche qu’on aurait envie (à tort) de câliner. Mais si il est le seul primate venimeux, il n’est pas le seul mammifère venimeux, car il y a aussi l’ornithorynque qui est doté d’un aiguillon enduit de poison seulement chez le mâle. Il existe aussi une pieuvre dont la morsure est également venimeuse, la pieuvre aux anneaux bleus. Il existe en réalité une très grande variété d’animaux venimeux chacun ayant ses propres spécificités. Mais pourrait-il exister une origine commune a cette capacité d’empoisonner présente chez certains bilatériens (les animaux ayant une symétrie bilatérale donc une partie avant et une partie arrière) ?
Venimeux ou Vénéneux, quelle différence ?
Peu-être que certains d’entre vous se demandent pourquoi je n’ai pas évoqué cette grenouille d’Amérique du sud (Phyllobates terribilis) réputée pour son poison. Eh bien c’est parce qu’elle n’est pas venimeuse, mais vénéneuse (oui comme le sumac vénéneux, Toxicodendron radicans).
Ces deux termes se définissent ainsi :
-vénéneux : qui empoisonne de façon passive, sans entreprendre d’action particulière, donc soit par contact direct avec la peau ou ingestion. Par exemple la chair des crabes de la famille des Xanthidae contient une neurotoxine (une toxine qui agit sur les nerfs et le cerveau) pouvant provoquer un arrêt respiratoire. C’est à cette catégorie qu’appartient notre terrible grenouille dont le poison, une quinzaine de fois plus puissant que le curare, se transmet par le toucher.
-venimeux : qui empoisonne de façon active, il y a donc injection de poison via une morsure ou une piqûre. Comme chez le cobra royal (ci-dessous)
Donc si l’animal vénéneux se contente de se défendre, ce n’est pas toujours le cas de l’animal venimeux qui peut être l’agresseur comme le cobra royal (Ophiophagus hannah) qui utilise son venin pour chasser.
Des animaux variés mais peu communs
Il existe une très grande variété chez les bilatériens venimeux, comme en témoignent les image ci-dessous qui offrent un panorama de différents groupes où l’on trouve des bilatériens venimeux. On a donc un céphalopode, un primate, un échidné, une araignée, un scorpion, un insecte, un serpent, un poisson, un gastéropode et un échinoderme, soit une dizaine de groupes où on peut trouver des animaux venimeux. On remarque que parmi eux il y a des animaux qui sont plutôt isolés dans leur branche du groupe des Bilatériens. Par exemple, le Loris paresseux est le seul primate venimeux, l’ornithorynque mâle le seul monotrème à avoir une glande à venin fonctionnelle (elle est présente chez d’autres monotrèmes comme les échidnés mais n’est pas utilisée pour l’empoisonnement). Les poissons venimeux ne représentent pas une majorité d’espèces non plus et appartiennent à des familles différentes. Certains sont même isolés au sein de leur famille.
De plus les méthodes utilisées pour inoculer le venin sont variées elles aussi. Il y a des animaux qui ont leurd glandes à venin dans leur bouche et qui ont donc une salive venimeuse (par exemple le poulpe aux anneaux bleus, ou la grande musaraigne à queue courte, et des serpents Opistodonthes) mais d’autres ont des glandes connectées à leurs crochets ou dard qui injecte le venin (les serpents Opisthoglyphe, Solénoglyphe et Protéroglyphe, ainsi que des araignées et des scorpions venimeux) et il y a même des raretés comme le Loris paresseux qui a ses glandes à venin dans ses coudes qu’il lèche pour envenimer sa salive. Le poulpe aux anneaux bleus a deux venins (un pour la chasse et un pour se défendre de ses prédateurs) donc un même animal peut même avoir plusieurs toxines à sa disposition.
Face à une telle diversité l’idée que la capacité d’empoisonner puisse avoir une origine unique, donc un ancêtre commun pour tous les bilatériens venimeux, est donc une impossibilité vu la position de chaque espèce dans l’arbre des bilatériens, car cela signifierait qu’un nombre extrêmement élevé d’espèces aurait perdu cette capacité. Or, en phylogénie, on favorise l’hypothèse avec le moins d’événement possible. Ici l’hypothèse la plus parcimonieuse en terme d’événements est une convergence évolutive , c’est à dire un même caractère obtenu par diverses espèces de façon indépendante. On a donc là ce que l’on appelle un groupe polyphylétique, c’est à dire basé sur une ressemblance qui n’est pas héritée d’un ancêtre commun.
Le venin dans les gènes….ou pas
On sais que le fait d’être venimeux est un caractère qui peu être génétique, mais est ce obligatoirement le cas? Eh bien non.
Quelle peut être le point commun entre ces deux espèces ? C’est simple, la tétrodotoxine. Cette neurotoxine (une toxine qui affecte le système nerveux) qui provoque une paralysie musculaire dont découle un arrêt respiratoire, est présente chez le poulpe aux anneaux bleus qui l’utilise comme moyen de défense, mais aussi chez le poisson globe ou fugu comme l’appelle les japonais très friand de la chair de ce poisson, il faut une licence pour être autorisé à cuisiner ce poisson en raison de la toxine présente dans son corps, mais étrangement cette toxine n’est produite par aucun organe du poisson. L’origine de cette toxine est des bactéries (les Pseudomonas, et les vibrions), on en retrouve sur les algues consommées par le fugu qui lui est immunisé contre cette toxine. C’est également la même toxine que l’on retrouve chez les crabes de la famille des Xanthidae précédemment cités.
De ceci on peut apprendre deux choses: un venin n’est pas l’exclusivité d’une espèce en particulier et peut être retrouvé chez une autre. Et aussi, le fait d’être venimeux n’est pas forcément complètement génétique, car si vous preniez un poisson globe d’élevage dans la main, le seul risque serait de vous blesser avec les épines car sans les bactéries retrouvées sur les algues consommées par ce poisson, celui-ci n’est pas venimeux.
Sources:
informations:
[1]http://medecinetropicale.free.fr/cours/letinfo18.htm
[2]Fry, B., Roelants, K., & Norman, J. (2009). Tentacles of Venom: Toxic Protein Convergence in the Kingdom Animalia.J Mol Evol,68(4), 311-321.http://dx.doi.org/10.1007/s00239-009-9223-8
[3]https://en.wikipedia.org/wiki/Takifugu
[4]http://www.scilogs.fr/best-of-bestioles/toison-et-poison-quand-un-lever-le-coude-est-dangereux/
[5]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4626696/
images:
[1] image d’ornithorynque: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ornithorhynchus.jpg
[2]image de l’aiguillon de l’ornithorynque mâle: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Platypus_spur.JPG
[3]image du poulpe aux anneaux bleus: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Blue-ringed_octopus_%28Hapalochlaena_maculosa%29,_Parsley_Bay,_Sydney,_NSW.jpeg
[4]image de la veuve noire à dos rouge:https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Black_widow_spider_9854_lores.jpg
[5]image du cobra royal:https://commons.wikimedia.org/wiki/File:12_-_The_Mystical_King_Cobra_and_Coffee_Forests.jpg
[6]image du Loris Paresseux:https://en.wikipedia.org/wiki/Sunda_slow_loris#/media/File:Nycticebus_coucang_001.jpg
[7]image de phylobates terribilis: https://en.wikipedia.org/wiki/Golden_poison_frog
[8]image de guêpe:https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Common_Wasp_%28Vespula_%28Paravespula%29_vulgaris%29_%288654391297%29.jpg
[9]image de scorpion:https://en.wikipedia.org/wiki/Scorpion#/media/File:Scorpion_Photograph_By_Shantanu_Kuveskar.jpg
[10]image d’oursin fleur:https://en.wikipedia.org/wiki/Flower_urchin#Venom