Mots clés : Billets de Blog, Bionum, OSEF
Etiquettes: Autogamie, Conjugaison, Cytogamie, Eucaryote, Paramécie, Reproduction
Introduction
Jamo : (avec un ton un peu exagéré, enjoué) : Bonsoir à tous ! Ici Jamo et bienvenue dans “Before and After Science!!” ! Ici, en direct, nous décryptons les bizarreries de mère Nature, accompagnés d’invité.e.s fascinant.e.s, tou.te.s expert.e.s en leur domaine. Je vous rappelle que nous sommes également disponibles au format podcast sur toutes les plateformes d’écoutes. Aujourd’hui nous avons le plaisir d’accueillir deux chercheuses en microbiologie : Ayo Samli et Mélina Aberrane!
Scientifiques (Enjoués): Bonsoir !
Jamo : Commençons par vous Ayo. Vous êtes chercheuse à l’institut Patatoïde de Brest, après avoir fait un master en biologie cellulaire puis une thèse en microbiologie.
Ayo : Oui c’est bien ça ! Depuis plusieurs années maintenant je fais partie de cet institut axé vers la biologie cellulaire.
Jamo : Très bien, merci beaucoup. Et vous Mélina ! Vous êtes post-doctorante à l’institut Pimpelme de Paris après une thèse en biologie cellulaire et un master en biochimie.
Mélina : Exactement ! Avec mon master j’ai eu l’occasion de découvrir de nombreux laboratoires et de rencontrer beaucoup de chercheurs et chercheuses. J’ai effectué ma thèse à Strasbourg et je suis revenue à Paris pour mon post-doctorat.
Jamo : Super ! Eh bien ! Maintenant que les présentations sont faites, on peut rentrer dans le vif du sujet! Nous sommes le 10 octobre, et à l’occasion de la fête de la science je me suis dit qu’il serait passionnant de discuter un peu de science fondamentale. Nous allons donc aborder aujourd’hui un sujet qui en passionne plus d’un : les paramécies !! … (un peu plus doucement) Et plus particulièrement leur reproduction ! D’après ce que j’ai compris, ce sont des organismes à une seule cellule très étudiés en laboratoire à cause de leur incroyable complexité. Mais donc, dites-moi Ayo : comment de simples cellules peuvent être aussi exceptionnelles ?
Ayo : Eh bah justement… Ce sont peut-être des organismes unicellulaires, mais en fin de compte les paramécies sont absolument passionnantes. Avant tout, on peut déjà remarquer leurs tailles. Elles mesurent entre 0.1 et 0.3 millimètre…
Jamo : (pas convaincu) euuuh ouai bon…
Ayo : c’est ÉNORME !! Sachant qu’une cellule de foie mesure environ 30 µm, une paramécie fait entre 30 et 100 fois la taille d’une cellule humaine. Et ça ne s’arrête pas là. À l’intérieur de la cellule on retrouve un véritable système digestif avec plusieurs parties où les nutriments ingérés seront en quelque sorte digérés et assimilés. Rendez-vous compte : notre système digestif est constitué de centaines de millions de cellules. Et ici, une seule cellule possède à elle-seule un mécanisme similaire.
Jamo : Fascinant. Et niveau reproduction : Les paramécies sont unicellulaires… Et j’ai toujours appris qu’une cellule se reproduit par simple division.
Ayo : Eh bien avant tout, il faut réaliser que les organismes unicellulaires ne se reproduisent pas QUE par simple division. Il est vrai que beaucoup d’organismes tels que les bactéries se divisent comme ça. Mais la paramécie ne s’en contente pas. Elle effectue aussi de la reproduction sexuée qui implique deux individus et permet un échange de matériel génétique.
Jamo : Ah ouais quand même ! Pour une cellule toute seule ça doit être une sacrée prouesse !
Mélina: Une autre caractéristique des paramécies est qu’elles ont deux noyaux.
Jamo : (la coupant) euuuuuhhh attendez… j’ai un doute, le noyau c’est bien ce qui contient le patrimoine génétique c’est bien ça ?
Mélina : Oui exactement. Pour rappel le noyau est une structure de la cellule présente uniquement chez certains êtres vivants que l’on appelle “eucaryotes”. Il a pour rôle de renfermer l’ADN qui est le support de l’information génétique.
La paramécie en a donc 2. Le premier est le micro noyau : c’est lui qui entre en jeu au moment des diverses reproductions.
Le deuxième noyau est le Macronoyau : qui s’occupe des fonctions de base de l’individu. Il va prendre en charge la nutrition, la digestion, le mouvement… BREF ! tous les aspects du fonctionnement quotidien.
Jamo : Très bien ! Merci beaucoup pour cette présentation. Nous allons tout de suite plonger dans le thème principal de cette émission : la reproduction des paramécies
- La reproduction asexuée
Jamo : Bienvenue cher auditeur, pour ceux qui nous rejoignent maintenant, aujourd’hui nous discutons de la reproduction des paramécies : des êtres unicellulaires très particuliers. Pour résumer notre brève introduction, ce sont des êtres vivants composés d’une seule cellule, avec un système digestif complexe et surtout deux noyaux. Mélina, commençons doucement avec la reproduction asexuée. Pouvez-vous un peu nous expliquer comment elle fonctionne et si elle a des particularités ?
Mélina : Alors avant tout, la reproduction asexuée est une reproduction qui ne fait pas intervenir de partenaire. On part d’un individu et on arrive à deux individus qui dans le cas de la paramécie sont quasi-identiques.
Jamo : Et donc comment ça fonctionne concrètement ?
Mélina : Chez la paramécie on appelle ça la fission binaire. Il s’agit simplement d’une division en deux. La paramécie duplique son micronoyau qui contient le patrimoine génétique. Elle va ensuite en léguer un à chaque cellule fille, c’est à dire les deux cellule issues de la division.
Jamo : Et le gros noyau ? Qu’est ce qu’il fait ?
Mélina : Le macronoyau, lui, ne se divise pas et sera départagé à peu près équitablement entre les deux cellules. C’est une division tout ce qu’il y a de plus classique. Les cellules filles sont des clones de la cellule mère. C’est pratique pour se diviser rapidement mais à part ça… y a pas beaucoup d’avantage.
Jamo : Ah bon ? C’est juste ça ? D’accord… Bon bah c’était plus simple que prévu haha… Eh bien merci beaucoup, passons tout de suite à la reproduction sexuée alors.
- La Reproduction Sexuée
Jamo : Chers auditeurs, nous sommes toujours accompagnés de nos deux invitées, Ayo Samli et Mélina Aberrane. Elles nous ont exposé le principe et fonctionnement de la reproduction asexuée mais le plus intéressant reste à venir. Ayo pouvez-vous nous rappeler ce qu’est la reproduction sexuée ?
Ayo : C’est un type de reproduction où deux individus entrent en contact et échangent du matériel génétique. Chez la paramécie on retrouve principalement la conjugaison et plus discrètement la cytogamie.
Jamo : Merci beaucoup. Mélina, pourriez-vous nous définir rapidement qu’est-ce que la conjugaison?
Mélina : Comme l’a dit Ayo, c’est un processus de reproduction plutôt courant chez les paramécies. C’est en fait un échange de matériel génétique entre deux individus suivi par des divisions…
Jamo : (un peu confus)… Très bien ?… Mais donc techniquement comment ça marche ?
Mélina : Les deux paramécies se rapprochent l’une de l’autre, s’alignent et fusionnent temporairement leur membrane. Le processus se poursuit par la division et l’échange des micronoyaux. Et enfin, après s’être décroché, chaque individu va se diviser deux fois de suite. Donc à partir de deux individus qui se conjuguent, on obtient 8 paramécies.
Jamo : Oooooh intéressant. Et… par pure curiosité haha… elles restent collées combien de temps ?
Mélina : Aaaaahh !… Entre 12 et 48h.
Jamo : (abasourdi) Ah oui d’accord !!! Ah oui c’est long haha. Elles sont endurantes ces paramécies.
Eh bien merci beaucoup Mélina ! Mais excusez-moi Ayo, très rapidement avant de finir… vous nous avez parlé tout à l’heure d’une autre reproduction sexuée… C’était comment déjà ? La cyto quelque chose nan ?
Ayo: (en riant) Oui, la cytogamie… Et en fait on ne sait pas trop comment classer cette reproduction.
Jamo: Comment ça ? Vous avez bien dit que c’est une reproduction sexuée nan ?
Ayo: Eh bien en fait, il y a une subtilité, c’est une reproduction dite hybride. La cytogamie est très similaire à la conjugaison… deux cellules entrent en effet en contact mais ! Il n’y a pas d’échange des noyaux et donc pas d’échange de matériel génétique à proprement parler.
Jamo : Et donc quelle est l’utilité de la cytogamie ?
Ayo : Baaaaah pour l’instant on ne sait pas trop s’il y en a vraiment une… On considère qu’elle est assez rare en milieu naturel et résulte sans doute de la grande flexibilité des paramécies en ce qui concerne les processus de reproduction.
Conclusion
Jamo : Wooooowwww… Franchement c’est bluffant de se dire qu’un être unicellulaire comme la paramécie puisse effectuer de telles prouesses. Mais il y a une dernière question que je me pose : quel est l’avantage d’effectuer un type de reproduction plutôt que l’autre ?
Ayo : Alors, en soit chaque division a ses avantages et inconvénients.
La reproduction asexuée est très pratique pour se diviser très rapidement. Une fission binaire peut être effectuée en seulement quelques heures, alors que la conjugaison peut durer plusieurs dizaines d’heures.
La conjugaison est plutôt intéressante d’un point de vue évolutif. Elle permet le brassage génétique, c’est-à-dire un mélange du matériel génétique au sein d’une population.
Jamo : oulah euuuh… d’accord mais donc ça sert à quoi concrètement ?
Ayo : Pour donner un exemple concret, imaginez qu’une population de paramécies soit exposée à une maladie et que l’un des individus de la population soit résistant à cette maladie. Si cet individu ne faisait que de la reproduction asexuée, il ne pourrait transmettre la résistance à cette maladie qu’à sa descendance. Mais avec la conjugaison, il peut la transmettre à sa descendance mais aussi à d’autres individus de la population. Et ça… c’est très bien pour la survie de l’espèce.
Ayo : Eh ouais !! Pratique tout ça, elle est balaise la petite paramécie.
Mélina : Mais oui c’est incroyable ! Ça me rappelle un peu quand j’ai moi-même découvert ces créatures, j’étais en licence de bio, et j’étais constamment émerveillée par toutes les prouesses de ce petit être.
Jamo : Eh bien j’espère que nous avons réussi à avoir le même effet sur vous cher auditeur, j’espère que vous avez eu l’occasion de découvrir le monde fascinant et infini que représente la science fondamentale ainsi que cette petite paramécie qui n’en finit pas de nous faire redécouvrir le vivant.
Bibliographie :
Article scientifique :
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Sites Internet/Blogs :
- Que peut nous apprendre la paramécie sur la biologie des génomes ?
COMPAS – Vulgarisation – 04 Novembre 2010 – Mireille Bétermier
http://www.cvc.universite-paris-saclay.fr/spip.php?article138
- Une nouvelle forme d’hérédité décrite chez la paramécie :
INSERM – 09 Mai 2014
https://presse.inserm.fr/une-nouvelle-forme-dheredite-decrite-chez-la-paramecie/12461/
- Le génome de la paramécie dévoile des mécanismes d’évolution des espèces :
RTFLASH – 09 Novembre 2006 https://www.rtflash.fr/genome-paramecie-devoile-mecanismes-d-evolution-especes/article
- Génome de la paramécie :
Jacob CEA – 21 Juin 2018 – Patrick Wincker, Linda Sperling, Jean Cohen https://jacob.cea.fr/drf/ifrancoisjacob/Pages/Departements/Genoscope/Les-projets-de-Genoscope/Genome-de-la-paramecie.aspx
- Paramecium, Sexual Reproduction and Asexual Reproduction :
Study and Score – 26 Novembre 2017 https://www.studyandscore.com/studymaterial-detail/paramecium-sexual-reproduction-and-asexual-reproduction
- La paramécie qu’est ce que c’est ?
FuturaScience – 7 mai 2017 – Marie Céline Ray
https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/animaux-paramecie-16377/
- [Eucaryotes et caetera] Si Vis Veto, Paramecium :
Strange Stuff and Funky Things – 6 Novembre 2015 – “Taupo” http://ssaft.com/Blog/dotclear/?post/2015/11/05/Eucaryotes-et-caetera-Si-Vis-Veto-Paramecium
- Invasion massive d’éléments génétiques égoïstes dans les gènes de paramécie :
CNRS – 2 Août 2021 – Sandra Duharcourt, Laurent Duret
- Paramécie et les lois de Mendel :
FuturaScience – INSERM – 14 mai 2014
Vidéos :
- Paramecium ciliate division
Francisco Pujante Capilla – 28 Août 2008 : https://www.youtube.com/watch?v=S1TmU2bb9XA
- Conjugaison chez les paramécies :
Bill Porter – 6 Février 2021
https://www.youtube.com/watch?v=9aU9QvQGY6c
REMERCIEMENTS :
Nous voudrions sincèrement remercier :
- Pierre Kerner et Benjamin Uzan pour leur aide et leur soutien pendant ce semestre ;
- Thomas Zoritchak pour nous avoir aidés lors de l’enregistrement du texte ;
- Leo Müllbacher pour nous avoir aidés pour l’enregistrement de la musique ainsi que le montage du podcast ;
- Le café des sciences pour leurs conseils et leurs avis lors de la rédaction du texte.