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Mots clés : Bionum, Brèves
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Illustration : Constance Kowal
Illustration : Constance Kowal

Les femmes sont moins mises en avant que les hommes, même quand il s’agit de diagnostic. En effet, on compte 4 garçons pour 1 fille diagnostiqués pour l’autisme [1]. Comment expliquer cette différence ? Deux spécialistes fictifs en débattent lors d’un colloque musclé…

L’assemblée applaudit timidement le Professeur Andréa Ksionère, fraîchement retraité, mais se sentant néanmoins indispensable à la communauté. Il était (donc) venu présenter les résultats de ses dernières recherches sur le diagnostic de l’autisme.  Son exposé terminé, il enchaîna par un condescendant “ Pas de questions, j’imagine!” 

– Vous dites que l’autisme touche 4 garçons pour 1 fille. Mais avez-vous corrigé vos chiffres selon la capacité de camouflage des comportements autistiques féminins et du biais de genre dans les procédures de diagnostic actuelles ? s’exclama Maud Herne, très attentive pendant l’exposé.

– Des biais ?! Mes données démontrent que pour que les femmes soient atteintes d’un trouble autistique, elles ont besoin de déclarer plus de mutations génétiques que les hommes. Donc logiquement, moins de femmes sont autistes, ce qui explique mon ratio.

-Mais y-a-t-il des différences de comportement entre les sexes dans la manifestation de l’autisme? 

– Oui, bien sûr. Les hommes présentent plus de comportements stéréotypés, comme des comportements répétitifs, un isolement social accru et un certain déficit du langage. Et leurs intérêts spécifiques, qui sont, je le rappelle, une attention excessive à un sujet particulier et restreint, au-delà des passions ordinaires, sont très marqués chez les hommes. Il est vrai que ces traits, importants pour le diagnostic, sont moins intenses chez les femmes. [4]

-Donc Professeur, j’aimerais que vous considériez que les intérêts spécifiques des femmes sont moins remarqués car plus considérés comme socialement acceptables. On remarque moins une femme passionnée par sa star préférée qu’un homme absorbé des heures dans l’étude de la pièce 17 du concorde !

 – En effet, mais où voulez-vous en venir ?!  

– Au fait que les comportements autistiques féminins sont sous-diagnostiqués, car considérés comme ordinaires et donc, moins détectables! Vous venez de l’admettre ! Maintenant, intéressons-nous aux difficultés sociales. Il a été confirmé que les femmes autistes sans déficit intellectuel parviennent à masquer leurs déficiences communicatives [1]. Elles présentent donc une grande sensibilité à la pression sociale. Elles imitent leur pairs dès l’enfance, ce que les hommes font beaucoup moins. Pensez-vous vraiment que votre méthode statistique prenne en compte ces biais ?

-Mais voyons Mademoiselle, le diagnostic de l’autisme s’appuie aussi sur des mesures objectives ! Par exemple les IRMf [3] [b] : un des tests de l’évaluation. Comme vous devez le savoir, ce sont des mesures de l’intérieur du cerveau, qui permettent d’identifier des caractéristiques autistiques. On élimine ainsi les biais de genre! 

-Ah ! je suis contente que vous abordiez les tests et particulièrement celui-là ! Vous devez bien savoir qu’il est effectué sur 15 garçons pour seulement 1 fille ! Et ne parlons même pas du CARS [a] : cette échelle d’évaluation comportementale a été élaborée sur un échantillon d’enfants composé à 75% de garçons ! Ces tests, comme beaucoup d’autres, sont donc moins bien adaptés pour déceler les formes d’autisme chez les femmes !

Les propos de la chercheuse furent salués par une salve d’applaudissements, et, hébété, le professeur se tut. 

Maud Herne ponctua d’un triomphal: “Encore maintenant, ces femmes ont des difficultés à trouver un ou une spécialiste pour un diagnostic. Et l’autisme n’est pas le seul trouble pour lequel la prise en charge des femmes souffrantes est largement insuffisante! Par exemple l’infarctus du myocarde présente le même problème : Les symptômes les plus surveillés ne sont pas ceux qui permettent de repérer au mieux les infarctus des femmes, ils sont adaptés aux sujets masculins.
Mesdames, Messieurs, il vous appartient de changer les choses!”[d] [2]

Bibliographie